Queen – Innuendo (1991)

Le voici donc, le dernier album de Queen, sorti du vivant de feu son frontman, quelques jours à peine avant qu’il soit emporté au paradis des Rockers: Un dernier pied de nez au destin de la part d’un quatuor irrévérencieux qui se sait frappé par la fatalité et une dernier baroud d’honneur avant de baisser le rideau sur une carrière flamboyante et triomphale. Album-testament, Innuendo est ainsi hanté de bout en bout par Mercury qui y donne tout ce qu’il a, chantant du fond des tripes sublimant les 12 chansons qui composent ce disque et leur donne un certain gout … d’éternité. 
Innuendo, qui aurait pu très facilement être une oraison funèbre d’un génie sur le déclin, ne tombe pas  pour autant dans le pathos, loin de là: Le disque est rayonnant, solaire et optimiste au possible même s’il est ponctué par les apartés en aigre-doux de Mercury. Il marque le retour du groupe aux sonorités et aux schémas de compositions complexes, bruts et dynamiques qui ont fait leurs beaux jours et faisant fi des compromissions  »synthétiques » qui ont largement dominé leur période 80’s. A cela une raison simple: si encore une fois l’album est l’oeuvre collective du groupe, fruit de leurs collaborations à tous, le véritable instigateur et maître d’oeuvre reste Brian May, à l’origine de la presque totalité des titres qui le constituent. Point de délires new wave au clavier, pas d’expérimentations synthétiques fâcheuses, l’heure est au riffs aériens, pulsatifs et virtuoses de la Red Special du guitariste. Ainsi, les chevauchées héroiques se suivront à rythme soutenu que ce soit dans  »Headlong »,  »Ride The Wild Wind » ou encore  »Hitman » épaulé dans sa tâche par les fidèles (et très compétents) Roger Taylor et John Deacon. 
Mercury n’a alors plus qu’à son remettre corps et âmes à ses compères et se consacre entièrement à peaufiner les paroles, ses dernières, puisant dans ce qui lui reste de force et s’inspirant de l’épreuve qu’il traverse ponctue l’album de confidences et de métaphores, toujours dans le style tonitruant et sourire en coin qu’on lui connait. Car même s’il n’est plus que l’ombre de lui même comme il le confesse, même grimé sous des tonnes de maquillage destinés à masquer son état de santé (encore secret au public à l’époque), Mercury  reste magnifique en clown au sourire triste, debout face à la mort, à qui il fait un bras d’honneur et continue son rêve jusqu’au bout, celui de faire de la musique, celle qu’il aime, coûte que coûte. A ce titre  »Innuendo »,  »I’m going Slightly Mad » et  »Dont Try so Hard » acquièrent une toute autre dimension, surtout à la réécoute.  »These are the Days of our Lives », l’ultime apparition en clip de son chanteur demeure encore une poignante lettre d’amour aux fans. Quant à  »The Show Must Go On », le meilleur testament dont puisse rêver un Rocker, il raisonne encore à ce jour comme un coup de tonnerre et signe la fin en apothéose d’une discographie qui n’aura cessé de cotoyer les sommets. 
Innuendo demeure à n’en point douter, le dernier grand disque d’un très, très grand groupe.