Songs of Innocence – U2 (2015)



Entendons nous bien. Songs Of Innocence a été et sera à jamais handicapé par sa mise en orbite polémique, voir scandaleuse pour certains qui éclipsera systématiquement toute tentative de critique objective du disque. Treizième album studio du groupe, il sort le 9 septembre 2014 à l’occasion d’une keynote d’Apple qui présentait les nouveaux modèles d’iPhone 6 et de l’Apple Watch. L’album est exclusivement mis en ligne gratuitement sur iTunes, iTunes Radio, et Beats Music jusqu’au 10 octobre 2014, où il paraît sur support physique en magasin. C’est vrai que le shling-shling des dollars est un peu trop difficile à ignorer. 

Pas question de s’étaler ici sur les tenants et aboutissants de cette stratégie marketing ni sur sa pertinence. Il convient cependant de rappeler que ce n’est pas la première fois que U2 fricote aussi ouvertement avec la firme à la pomme puisqu’il avaient négocié une formule similaire pour l’Ipod lors du lancement de How To Dismantle an Atomic Bomb en 2005 et personne n’avait trouvé à y redire à l’époque. Il convient aussi de rappeler que la machine marketing U2 a toujours été omniprésente et pas spécialement réputée pour faire dans la demi-mesure : télé, radios, net, magazines… Autant dire que l’intrusion fait partie intégrante du groupe, du moins depuis la dernière décennie. 

Et puis U2, c’est de toute façon LE groupe qu’on aime détester pour une raison ou pour une autre, surtout qu’ils cristallisent l’image du groupe lisse, politiquement correct et bien pensant qui dégouline d’amour et de positivité. Bono par exemple est devenue la parfaite tête à claques avec ses déclarations consensuelles au possible, son activisme pour toutes les bonnes causes existantes et son trop plein d’amour qui a malheureusement éclaboussé ses textes devenus souvent d’une mièvrerie crasse, la goutte d’eau ayant été le merdissimesque No Line On The Horizon de 2008.  L’auteur de ces lignes est d’ailleurs le premier à admettre que depuis, il a définitivement perdu espoir dans la bande à Bono, et c’est avec un dédain non dissimulé qu’il a laissé pourrir ce Songs of… dans les méandres de son disque dur. Avant de s’être fait avoir par le bouton Shuffle de son lecteur MP3.

Déjà manque de bol : Bono nous vend -huhuhu- l’album comme un retour au sources radical, et comme étant leur album le plus personnel et bla bla bla. Bref c’est ce qu’il raconte depuis All that you can leave behind. Et encore une fois, tu as juste envie de lui foutre une baffe pour qu’il la ferme pour de bon et que tu commences ton écoute de la galette. Et là, ça s’arrange pas. Dans tes oreilles coule l’horrible et boursouflé The Miracle (Of Joey Ramone), un anti-punk par excellence où le chanteur rend hommage à son idole -le Ramone donc- qui a changé sa vie. M’enfin, vu la façon dont a été markété le disque, pas sûr que l’hommage passe bien, le Ramone devrait se retourner dans sa tombe, merci. Il en sera de même pour toute la première partie de l’album qui recycle tout ce que le groupe a fait de mauvais depuis la décennie 2000, seule sortira du lot la magnifique ballade Every breaking wave. Ce sera le 2ème single de l’album pour lequel un court-métrage émouvant a été réalisé au cœur de l’Irlande du nord des années 80 et des terribles batailles liées à l’indépendance et aux affrontements entre communautés religieuses. 

Heureusement tout s’emballe dans une deuxième moitié très surprenante, plus électro et moins typée Pop que la première partie. Les prouesses défilent et les morceaux agressifs sont dopés par des paroles justement plus personnelles comme le Raised By Wolves et dans laquelle Bono raconte le traumatisme qu’il a vécu lors de l’attentat de Dublin où 33 personnes périrent. Cette note de noirceur ne quittera pas le disque jusqu’à la fin, atteignant un pic troublant dans la fausse berceuse prononcée par un prêtre à un jeune enfant… Puis, au disque de se clore par la mélodieuse Troubles, chantée avec Lykke Li et ajoute une dimension surréaliste à l’ensemble. Difficile à croire que tellement de choses se soient passées en si peu de temps. Et pourtant si. Telle est la force de ce dernier album des U2: C’est un disque mouvementé, inégal mais qui ne manque pas de moments forts ainsi que de quelques fulgurances qui le hissent en haut de la -longue- discographie des irlandais et fait même oublier le carnage du précédent No Line on the Horizon. Dommage qu’il continuera de souffrir du bad buzz généré par sa méthode de distribution. 

Ps: La pochette de l’album est photographiée par Glen Luchford et met en scène le discret batteur Larry Mullen JR et son fils de 18 ans, Elvis. En plus d’être de toute beauté et décrit à merveille le titre de l’album, elle fait aussi le pont avec les tous premiers albums de U2, Boy et War