Pink Floyd – Ummagumma (1969)

Pour la petite histoire, Ummagumma était un terme d’un pote de fac du groupe qui signifiait grosso modo faire l’amour. Quel rapport avec l’album me demanderez-vous? eh ben… aucun, je dis ça juste à titre informatif (et si ça se trouve, le nom vous plaira tellement que vous vous mettrez à l’utilisez vous-même et ensemble, nous aurons contribué à sa résurrection, c’est-y pas beau ça?!) 
Sinon pour l’album, il s’agit là d’un double disque, le premier du groupe 10 ans avant le succès massif de  »The Wall ». Le premier disque est un album Live, contenant 4 morceaux des albums précédents joués dans des facs diverses. Quant au deuxième disque il s’agit d’un album studio à proprement parlé. 
Personnellement je trouve cet album pompeux et sans grand intérêt et je pense qu’il marque le début d’une fâcheuse tendance du groupe à l’auto complaisance. Pièce à conviction numéro 1, monsieur le juge, je demande le premier disque, que nous appellerons communément le  »Live ». Au vu de la courte discographie de Pink Floyd à l’époque, je ne vois pas trop la raison de sortir un live, surtout qu’il est joué dans différentes facultés ou ils avaient l’habitude de se produire. La qualité audio n’est pas très très bonne, les titres joués sont bien, sans plus et je n’ai pas remarqué de différences majeures entre les versions studio et live (les puristes me diront que j’ai sans doute de la merde dans les oreilles, c’est peut être vrai allez savoir). Le vrai plus qu’apporte cette première partie est l’inédit  »Careful With That Axe, Eugene » qui n’avait pas encore été enregistré en studio, véritable petite pépite psychédélique qui fout la trouille avec son titre évocateur , son crescendo à l’orgue et le cri déchirant de Roger Waters à la fin. Une version studio sera prévue pour une compilations d’inédits et servira aussi à la BO de Zabriesky Point, le film de Michelangelo Antonioni.
La deuxième partie, elle, est plus confondante: elle est née de l’idée (qui a dit conne?) de Richard Wright de vouloir faire, chacun de son côté une chanson par soi-même, sans l’apport des autres membres, un peu comme un mini album solo dans un album de groupe. Le disque comportera ainsi 5 (longs) titres, chacune écrite et jouée par un membre (excepté pour Roger Waters qui en jouera 2… Faut toujours qu’il fasse son intéressant celui-là). Et à tout seigneur tout honneur, c’est Wright qui ouvre le bal avec  »Sysiphus » ballade en 4 partie, qui se base sur le mythe de Sisyphe, obligé de rouler une pierre à l’infini. Sa contribution est aussi pénible que le sort de son héros: longue, chiante, qui ne va nulle part et qui se morfond dans sa complaisance à n’en point finir. D’accord c’est du progressif, mais ça ne mène à rien et c’est très pénible à écouter. 
Les autres compères aussi ne s’en sortent pas mieux, Nick Mason fait lui aussi à peu près la même chose, en moins percutant avec son  »The Grand Vizier’s Garden Party  » en 3 parties et qui ne vaut que pour son délire à la batterie entre deux échappées  la flûte (jouées par sa femme). Roger Waters à au moins le mérite de verser dans l’étrange avec sa deuxième contribution au nom évocateur de « Several Species Of Small Furry Animals Gathered Together In A Cave And Grooving With A Pict » avec son cortège de bruits bizarres de petits rongeurs en folie. C’est tout con, mais ça fait au moins sourire. 
La vraie trouvaille vient (encore) de chez David Gilmour qui peaufine une ballade en 3 temps  »The Narrow Way » dans laquelle il fait preuve de tout son talent à la guitare acoustique, mais aussi de sa propre sensibilité: sa composition est à son image, délicate, inspirée et aérienne, tout le contraire de ses acolytes. 
D’ailleurs il n’est pas étonnant que ce soient les membres du groupe eux même qui n’hésitent pas à parler de Ummagumma en termes très peu élogieux, surtout avec le recul. Roger Waters et David Gilmour expliqueront eux même qu’ils avaient fait du n’importe quoi dans leurs compositions respectives, juste pour que ce soit rajouté au disque et ne pas perdre la face. Bah ça se voit un peu les gars. Il n’en demeure pas moins que ce 4eme album est une pièce nécessaire dans le paysage 60’s de la musique des Pink Floyd et qui traduit bien leur musique à cette époque là. Il entameront pas la suite leur décennie la plus faste durant les 70’s, décennie qui connaitra leurs plus grands succès.  

Pink Floyd – More (1969)

 »More » est avant tout un long métrage de l’illustre Barbet Schroeder, réalisé en 69 et qui raconte une sombre histoire de dépendance, de drogue et de sexe qui se passe à Ibiza, en plein boom hippie. Le réalisateur ne voulait pas un simple score qui se contenterait d’habiller ses images mais une vraie musique de film qui le fasse vivre émotionnellement rien qu’à l’écoute. Il demanda donc à Pink Floyd si ça les bottait de participer au projet. 
A l’époque le groupe était encore dans sa phase d’expérimentations, se cherchant encore et essayant de créer leur propre son. Ils sautèrent sur l’occasion pour transformer cette simple commande de B.O en un album studio à part entière, leur troisième. 
A l’écoute de  »More », on est d’abord étonné par la diversité des influences qui le traverse, diversité qui traduit très bien l’état d’esprit du groupe en cette période de recherches et d’essais. Ainsi, tout au long des 13 titres du disque, on passera tour à tour du Psychédélique rock en ouverture, en passant pas les chansons  »poppisantes » (Cymbaline) mais aussi des morceaux plus heavy qu’à l’accoutumée à l’instar de  »Nile Song » enragé ou l’on peut pour une fois écouter la voix de David Gilmour. L’album ne se soustrait pas non plus à sa vocation de Bande Originale puisque les titres instrumentaux pullulent et servent à illustrer la teneur dramatique/tragique du film. Bizarrement, ces envolées audio s’inscrivent bien dans ce que fait d’habitude Pink Floyd, et on n’a pas trop cette impression que c’est juste de l’habillage. Quelque part la musique de Pink Floyd a toujours été cinématique, alors il était tout naturel (voir inévitable) qu’elle se retrouve sur une bande son. 
Le résultat lui est en tout cas bien supérieur au film puisque More a tout de même survécu au film dont personne ne se rappelle (même à l’époque?). Il constitue aussi un instantané de l’état d’esprit de Pink Floyd à l’époque, en pleine mutation, certains s’amuseront même à trouver dans les titres de ce disque les germes qui feront leur succès par la suite. 

Pink Floyd – A Saucerful Of Secrets (1968)

Peu après le bouclage du premier album des Pink Floyd,  »The Piper At The Gates Of Dawn‘, le groupe est forcé de constater que Syd Barrett, son principal membre et compositeur de la quasi totalité du disque, est devenu totalement… Barge. 
Bourré aux drogues en tous genres et gros consommateur de LSD, son comportement devient de plus en plus erratique, surtout dans les tournées ou il passait tout son temps à déambuler sur scène, les bras ballants, la guitare en bandoulière, totalement désaccordée… Le public lui, n’y vit que du feu, voir même applaudit ce comportement, l’interprétant comme partie du spectacle. La presse, elle ne s’y trompa pas et ne se gêna pas pour le signaler, surtout les journalistes qui essayèrent en vin de lui tirer des réponses lors des interviews. 

Ce comportement qui s’accentua avec le temps força le groupe a envisager, non pas un remplaçant, mais un back-up pour Syd, quelqu’un qui l’épaulerait au cours des prestations scéniques tout en gardant Barrett comme membre non itinérant (un peu comme l’avaient fait les Beach Boys avec Brian Wilson). Plusieurs noms furent envisagés (notamment Jeff Beck), et c’est enfin David Gilmour, originaire de Cambridge et ami d’enfance de Barrett qui accepta l’emploi. Hélas, la dégradation continuelle de la santé mentale de leur ami, fragilisant le groupe de jour en jour conduit à son éviction pure et simple et son remplacement officiel par Gilmour. 
Ce deuxième Album,  »A Saucerful Of Secrets » a été enregistré avant et après le départ de Barrett. A ce titre, il demeure le seul album studio à réunir les 5 membres historiques de Pink Floyd puisque Barrett y apparaît sur 3 titres, dont un qu’il a entièrement composé: Il s’agit de  »JugBand Blues » qui est sorti en single et qui apparaît tout en dernier de l’album. Cette chanson s’apparente clairement dans la veine fanfaronne de Barett, semblable à ses autres compos comme  »Bike » ou  »The Gnome », mais derrière sa désinvolture elle revêt un sens particulier et personnel puisqu’on peut la voir comme un adieu au reste du groupe et une reconnaissance de sa propre aliénation mentale: It’s awfully considerate of you to think of me here //And I’m much obliged to you for making it clear// That I’m not here. D’ailleurs, pour l’anecdote, lors de l’enregistrement de cette chanson, Barrett fit venir, à l’improviste, toute une troupe de l’armée du salut, en plein studio, et leur a demandé de jouer sur ce titre comme ils l’entendaient. Le plus fou  c’est que leur participation a été retenue sur le disque. Sacré Barrett.
 A saucerful of Secrets est donc un album transitionnel: un membre important s’en va, un autre arrive… D’aucuns diront que cet album-ci marque le début de la dictature de Roger Waters sur le reste du groupe. Ce n’est pas faux, même s’il est ici épaulé par Richard Wright dans la composition du restant des titres. On sent d’ailleurs l’orientation de l’album dévier du psychédélisme des débuts vers un rock plus prononcé, mais qui garde toujours son côté planant et expérimental, aussi les mélodies indianisantes subsistent toujours dans « Remember a Day » ainsi que dans l’inquiétant  »Set the controls for the heart of the sun », ballade hypnotisant aux sonorités orientales. Mais ce qu’on retiendra avant tout de cet album c’est sa pièce de résistance, la chanson titre: Enorme monolithe de près de 12 minutes, opéra bizarre et complexe découpée en 4 parties, elle décrit la mise en musique d’une bataille  (de la préparation à l’affrontement pour finir dans une oraison funèbre) et marque l’avènement du Rock Progressif, rien que ça. Elle préfigure aussi du gout du groupe pour les expérimentations en tout genre et leur penchant pour les titres fleuves aussi complexe (Shine On you Crazy Diamonds, Atom Heart Mother, entre autres…). 
Pour autant ce deuxième album des Pink Floyd présente un côté assez décousu reflétant assez bien l’état d’esprit du groupe à l’époque. Ils se cherchent encore, expérimentent, créent, se plantent, vont de l’avant mais en restant encore loin des sommets qui les attendent dans quelques années.  

Pink Floyd – The Piper At The Gates Of Dawn (1967)

Ils sont quatre, garçons dans le vent (mais pas ceux que vous croyez), trois étudiants en architecture: Roger Waters, Richard Whright, Nick Mason et un curieux étudiant d’art du nom de Syd Barett. Le groupe, alors appelé  »The Pink Floyd Sound », s’était bâti une solide réputation de showmen grâce aux innombrables concerts underground qu’ils donnaient ici et là. Assez en tout cas pour attirer l’attention des responsables chez EMI records qui, emballés par leur son, mais pas assez pour leur laisser champ libre, leur proposent un deal pour un premier album. Deal qui, même s’il n’est pas faramineux, leur permet de mettre enfin le pied à l’étrier et de passer enfin pros. Pour la postérité.

 »The Piper at the Gates Of Dawn » est donc le premier album des Pink Floyd. Il est surtout connu pour être l’album de Syd Barrett tellement ses influences et son hégémonie suintent par tous les pores du disque. Véritable maître d’oeuvre, il est le compositeur de la quasi totalité des titres, tissant ainsi un véritable univers fascinant, dense et totalement … barré (‘scusez le jeu de mots). Dès les premières secondes de  »Astronomy Domine », le ton est donné: la musique de Pink Floyd est (et restera) planante et cosmique. En témoignent d’autres titres comme  »Lucifer Sam » ou le superbe et progressif « Interstellar Overdrive », véritables ovnis musicaux et témoins du degré de créativité qui habitait le groupe à l’époque. 
En plus de ces compositions interstellaires, il en peaufinera d’autres plus personnelles inspirées de ses propres lectures: la Fantasy et la philosophie , ses thèmes de prédilection (qu’il développera sans cesse au cours de sa carrière solo). Ainsi figurent sur le disque des  »bizarreries » tels que  »The Gnome » (qui raconte l’histoire d’un….) le très Pop mais inquiétant  »Matilda Mother » ou encore la comptine à la fois innocente et effrayante  »Bike » dans laquelle un mec en chapeau et cape pourpres fait la cour à une jeune demoiselle en lui présentant son joli vélo, sa vieille souris SDF et une chambre avec plein d’horloges.  Le résultat est un pot pourris de sonorités et d’arrangements fantasques, de mélodies complexes et inventives qui assoiront la réputation du groupe et le catapulteront au firmament des groupes les plus importants du Rock. 
A ce titre, »The Piper at the Gates Of Dawn » est considéré par beaucoup l’un des piliers de la musique psychédélique anglaise et l’un des plus importants albums de la scène underground des sixties, servant de déclic à tout un mouvement de l’époque qui n’était qu’à son balbutiement. Par la suite, les Pink Floyd suivront cette voie, mais sans Syd Barret, son état mental et sa défection lors des nombreux concerts de l’époque finiront par lui valoir l’éjection du line-up et son remplacement par David Gilmour l’année suivante.